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  • Photo du rédacteurPierre Louis Amancic

LE TOURISME, SECTEUR DURABLEMENT SINISTRÉ ?

Le tourisme : un secteur central de l’économie mondiale.

Le tourisme est un secteur central de l‘économie : il représente 10% du produit mondial brut et de l’emploi. Son taux de croissance est de 4% à 5% depuis plus de sept décennies et il représentait 1700 milliards de dollars de recettes en 2019. En 2020, selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), la chute des voyages à l’étranger devrait avoisiner les 70%, chute accompagnée d’innombrables faillites et de nombreux licenciements (à titre d’exemple, le n°1 du tourisme en Europe, TUI, symbole du tourisme industriel, supprime 8000 emplois dans le monde).

Au niveau européen et mondial la reprise sera très progressive. L’UE devrait être privée de 18% de ses revenus touristiques alors que le tourisme représente 12 % des emplois en Europe.

Première destination touristique du monde, la France devrait mettre entre un an et demi à deux ans avant de retrouver le niveau exceptionnel de visiteurs de 2019 (98 millions). Mais si le tourisme ne représente en France que 2,5% de la richesse nationale, ce n’est pas le cas de pays comme la Croatie, la Grèce ou le Portugal qui sont très exposés à la baisse du tourisme international.

Le tourisme de masse est-il condamné ?

Le tourisme de croisières, qui est accusé de menacer l’intégrité des écosystèmes et des cultures, est vivement critiqué : 300 navires (de 3000 passagers chacun en moyenne) transportent près de 26 millions de touristes chaque année !

Ce type de tourisme de masse, ce « surtourisme », est-il condamné ? Ne reflète-t-il pas nos choix de citoyens ? N’est-il que le parfait bouc émissaire de nos échecs écologiques, comme le prétend Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde ?

Comment en sommes-nous arrivés là ? L’arrivée de l’aviation intercontinentale, à partir de 1957, puis du tout inclus permettant des économies d’échelle considérables, et, enfin, des transporteurs low cost, ont bouleversé le marché permettant à tout un chacun de faire du voyage un accomplissement personnel. Dans ce contexte, un nombre croissant de destinations (Barcelone, Venise ou le Machu Picchu, par exemple) n’arrivent plus à gérer le flux des visiteurs entraînant même des réactions de rejet de la part de la population. 

C’est cette forme de tourisme de masse – qu’il soit balnéaire, urbain (sites culturels, patrimoine), sportif (l’Everest), ou à prétention écologique (voir les dégâts causés aux Galapagos ou sur la Grande barrière de corail, en Australie) – qui serait remis en cause aujourd’hui. 

L’homo turisticus a-t-il changé ?

« Qui a pu penser sérieusement que le déconfinement post-pandémie et la sortie de l’abstinence touristique qu’il autorise allaient jeter les bases d’un grand marché du dépaysement « juste et durable » ? Ou, dit autrement, que le dépassement de la crise sanitaire allait accoucher d’un tourisme international accessible à toutes et tous, aux coûts et aux bénéfices équitablement répartis et dont la généralisation ne dépasserait pas les capacités d’absorption de l’écosystème terrestre ? l’heure de la revanche consumériste a sonné », affirme le sociologue Bernard Duterme (*). Pour lui, le voyage d’agrément va reprendre ses droits, par étape, en redécouvrant d’abord les charmes de la proximité avant de plonger à nouveau vers l’exotisme des destinations lointaines, même si de 7% à 10% seulement de l’humanité ont accès au tourisme international !

L’indispensable reprise économique ennemie du tourisme durable

L’OMT, comme le FMI et la Banque Mondiale, le répète à l’envie : il faut redonner au tourisme au plus vite son rôle de moteur de la croissance et de pourvoyeur d’emploi et ne pas mettre des entraves qui nuiraient à sa compétitivité.

« Voyager c’est vivre » affirme la minorité qui voyage à l’échelle planétaire. Et tant pis si, sous sa forme actuelle, le tourisme est écologiquement irresponsable. « Notre mode de vie n’est pas négociable » affirmait le président George Bush au Sommet de la Terre, à Rio, en 1992 !

Le tourisme durable entre mythe et espoir

La transition écologique et le tourisme responsable sont incompatibles avec la massification des voyages.

Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement, le PNUE, les chiffres sont accablants : le tourisme international génère un kilogramme de déchets solides par jour et par touriste, soit annuellement environ 4,8 millions de tonnes. Un touriste international produit environ 180 litres par jour d’eaux usées et consomme six à neuf fois plus d’eau quotidiennement qu’un habitant dans les pays en développement. Un hôtel de niveau international, dans un pays comme l’Égypte, consomme autant d’énergie électrique que 3600 familles de classe moyenne. Dans les Caraïbes, les bateaux de croisière déchargent environ 70.000 tonnes de déchets par an dans l’océan. Un vol transatlantique aller-retour produit en moyenne 730 kilogrammes de CO2 par passager, soit autant qu’une famille moyenne pendant un an dans le sous-continent indien.

Le tourisme durable sera-t-il le modèle du tourisme de demain ou restera-t-il limité à une catégorie de consommateurs responsables ? Plusieurs signaux laissent présager qu’il sera la forme touristique pratiquée par toute une nouvelle génération de touristes, même si, dans le même temps, le tourisme de masse connaît une forte reprise.

Le tourisme de masse : plus de mouvement, moins d’altérité ?

Le secteur continuera en effet à croître fortement (on prévoit 5 milliards d’arrivées touristiques en 2040, soit un doublement en 10 ans !). Pourquoi alors cette frénésie de voyages ? On a longtemps prétendu, en Occident, que c’était pour découvrir un monde inconnu. Il n’en est rien : les touristes, asiatiques y compris, voyagent pour rester entre soi. C’est le voyage de retrouvailles, amicales et familiales, le VFR, le Visiting Friends and Relatives, qui croit le plus. On voyagera de moins en moins pour découvrir de l’inédit et, de plus ne plus, pour se trouver en terrain connu, grâce, entre autres, au numérique.

« Le tourisme constitue une pratique mimétique, indique Saskia Cousin (**). On ne se rend pas dans des endroits dont il n’y a pas d’images ou de récits. On va reconnaître des lieux qu’on a d’abord connus à distance. C’était déjà le cas dans le passé, mais cet aspect est renforcé aujourd’hui par les réseaux sociaux ».

Enfin, les techniques d’intelligence artificielles (reconnaissance vocale et traduction), permettront très bientôt de converser librement dans une langue inconnue.

Deux grandes orientations s’offrent au secteur

En résumé, 2 grandes orientations s’offrent au secteur :

  • Un tourisme de masse plutôt orienté vers le VFR, le Visiting Friends and Relatives, mentionné plus haut

  • Un tourisme éco-responsable.

Il existe aussi une autre option qu’il convient de mentionner pour mémoire car la pandémie du COVID 19 l’a remise au goût du jour : la staycation ou holistay – la villégiature chez soi (que les germanophones nomment joliment Urlaub in Balkonien : Vacances en Balconie). Lancée aux Etats-Unis pendant la crise de 2007-2010, elle consiste à rester basé chez soi et à profiter des loisirs et distractions atteignables en voiture…


Pierre Louis Amancic

Founder and Senior Advisor

(*) Bernard Duterme

Sociologue, directeur du Centre tricontinental (CETRI, Louvain-la-Neuve, Belgique), groupe d’études et de réflexions indépendant sur les rapports Nord-Sud


 .

(**) Saskia Cousin, anthropologue à l’Université Paris Descartes.

Sources statistiques :

La UNWTO Elibrary (United Nations World Tourism Organisation) rassemble plus de 1400 publications électroniques et 1700 données sur plus de 200 pays dans le monde.

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